Le Troglodyte

« Cet oiseau, qui nous arrive à l’approche de l’hiver, nous abandonne dès les premiers jours du printemps ; il a l’habitude de se rapprocher des habitations rurales, et même des jardins situés au milieu des villes. Il aime à fouiller dans les lieux obscurs, le long des murs tapissés de verdure, et dans les piles de bois. Il tient constamment la queue relevée, et ne cesse de faire entendre un petit cri saccadé qui exprime très bien « tre, tre, tirit, tirit ,tirit' » mais le mâle de cette petite espèce a un fort joli ramage qu’il fait entendre dans toutes les saisons. Ce troglodyte habite toute l’Europe. » Georges Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788).

En dépit de sa petite taille, cet oiseau dispose d’une voie puissante phénoménale. Même en mouvement, de la pointe du jour à la tombée de la nuit, on l’identifie immédiatement. Le contraste entre son corps menu et son chant formidable est saisissant.

Ses ailes et sa courte queue vibrent sous l’effort. Quand il fait sa cour à la femelle, le mâle chante, le bec plein de nourriture ou de matériel pour le nid. Il chante pendant presque toute l’année, et cherche ainsi à s’affirmer sur son petit territoire.

Petite comète brune, le troglodyte lance des protestations véhémentes quand il croise un importun dans les bois. Si vous apercevez un petit oiseau rondelet, avec un plumage brun rayé et une petite queue qu’il dresse et baisse sans arrêt, c’est à coup sûr un troglodyte.

Avec leurs petites ailes rondes, les troglodytes volent en force sur de courtes distances ; ils vont rarement bien loin, ou bien haut. En général, les troglodytes se tiennent loin des cimes, affairés à chercher à manger, construire leur nid, nourrir leur famille ou trouver un perchoir pour la nuit. Il est d’ailleurs probable qu’ils trahissent leur présence à cause du colérique « Trrr ! » de crécelle qu’ils émettent quand ils sont dérangés. Si le danger se précise, le cri s’accélère pour un « Tit-tit-tit ! » qui rappelle irrésistiblement celui d’un…réveil.

Le troglodyte souffre beaucoup pendant l’hiver, à cause de sa petite taille, qui l’expose davantage au froid que les oiseaux plus grands et parce que la plupart de des proies disparaissent sous le sol gelé. Mais sa vivacité permet aux plus robustes de survivre et de reconstituer les populations disparues.

Le troglodyte mâle commence par construire cinq ou six nids inachevés, appelés nids de mâle. Puis ils se met en quête d’une jolie femelle en faisant appel à tous ses atouts de séduction : ailes déployées et vol sur place. La femelle est invitée à visiter les nids. Elle ne choisit un et le garnit pendant une semaine d’un lit de plumes douillet, avant d’y déposer cinq à sept œufs. Avec son nid « clés en main » et un partenaire vigilant, la mère peut se consacrer entièrement à sa couvée affamée qu’elle n’a de cesse de nourrir.

La répartition des tâches ménagères dans le couple de troglodytes rappelle la vie de famille au XIXème siècle, où le père nourrit la famille, tandis que la mère s’occupe des petits : le mâle reste toujours prêt à donner la réplique à tout intrus qui menacerait le foyer.

Architecte et polygame, ce n’est pas un habitant des cavernes : il est très civilisé et plein d ‘attention. Contrairement à ce que disent les dictionnaires usuels, le terme de troglodyte ne signifie pas « habitant une caverne », mais »,mais vient du grec ancien « troglé », signifiant trou de souris, et « dutès », désignant celui qui habite. Ceci explique pourquoi ce petit oiseau, qui ne fréquente guère les grottes mais qu’on aperçoit au sol, a hérité de ce nom et sans doute parce qu’il est à peu près de la taille d’une souris filant vers son trou.

Le mâle installe sa première compagne dans un nid douillet, puis il cherche une autre femelle pour occuper l’un des autres nids et il utilise le troisième comme une garçonnière pour y passer la nuit. Pendant ce temps, la première femelle couve pendant 14 à 15 jours. Si le nid est menacé pendant les premiers jours, la femelle n’hésite pas à abandonner les œufs. Après l’éclosion, le nid se remplit d’oisillons totalement dépendants et vêtus d’un duvet gris sombre d’où surgit un éclair, le jaune vif de la bouche ouvert qui appelle la mère.