L’ajonc d’Europe, le gardien des landes

Attirant par sa superbe floraison jaune d’or, l’ajonc aux épines acérées n’a pas la douceur du genêt. Il colonise les landes tout en préparant volontiers le terrain à d’éventuels reboisements.

L’ajonc appartient à l’immense famille des Fabacées, jadis baptisée Papilionacées ou Légumineuses. Le genre Ulex doit son nom au botaniste Linné, qu’il emprunta au latin. Dans l’Antiquité, ulex, définissait plusieurs types, semble-t-il très variés, de buissons épineux. L’Ulex europaeus dont raffolait Linné n’est autre que notre ajonc d’Europe, connu aussi sous les noms vernaculaires de lande, vigneau, d’orne et jonc marin. On retrouve d’ailleurs l’appellation jomarin dans Les Grandes Heures d’Anne de Bretagne sous une planche illustrée sur fond d’or signée de Jean Bourdichon, au tout début du XVIe siècle.

Au bord de l’Atlantique

L’ajonc d’Europe apprécie avant tout le climat atlantique. On le trouve du Danemark jusqu’au sud du Portugal. Sa floraison jaune d’or est typique des paysages de l’Ouest et le Sud-ouest de la France. Mais l’ajonc, qui redoute les hivers rigoureux, s’aventure pourtant dans le Centre. Pour bien se développer, l’arbrisseau épineux de moins de 3 mètres exige des espaces dégagés inondés de lumière.

Contrairement à son cousin l’ajonc nain, qui croît dans les sols humides, acides voire tourbeux, l’ajonc d’Europe préfère les terrains siliceux affichant une acidité moyenne et une certaine fertilité. Raison de plus pour lui de coloniser les landes, les bords de chemins et les talus d’autoroutes. D’autant que ses graines contenues dans des gousses conservent longtemps, une fois au sol, leur capacité germinative.

Qui s’y frotte s’y pique

Lorsque l’ajonc d’Europe trouve de bonnes conditions, il se développe rapidement en formant d’importantes populations.  Il résiste parfaitement aux conditions de sécheresse, notamment grâce à son feuillage épineux, qui est souvent l’apanage des végétaux de zones désertiques. Un vieux dicton confirme cette qualité remarquable de l’ajonc : « Quand l’ajonc fleurit, la brebis pâlit. »

Si les jeunes plantules portent de véritables feuilles à trois folioles, les rameaux courts et épais de cet ajonc se couvrent d’épines. Elles sont le résultat d’une transformation du pétiole réduit à des phyllodes persistants. On peut observer cette curiosité botanique sur d’autres plantes comme le ruscus de nos sous-bois. Résultat : les fourrés d’ajonc d’Europe aux rameaux dressés et aux épines groupées en faisceaux sont quasiment impénétrables.

On ne doit pourtant pas le confondre avec les genêts épineux. Chez la fleur de ces derniers, le calice n’est pas fendu jusqu’à la base. On a d’ailleurs exploité ce pouvoir dissuasif de l’ajonc pour créer des haies défensives. Les pépiniéristes ont sélectionné une forme encore plus érigée baptisée ‘Strictus’, idéale en haie basse, ainsi q’une forme quasiment dépourvue d’épines pour l’emploi dans les jardins d’agrément.

Mellifère, tinctoriale et fourragère

L’ajonc d’Europe a la réputation, tout à fait justifiée, d’être pratiquement fleuri toute l’année. En effet, ses premières fleurs d’or au nectar sucré, s’épanouissent souvent dès février et s’avèrent une aubaine pour les insectes butineurs tout juste sortis de leur torpeur hivernale. Elles se succèdent sur l’arbrisseau jusqu’en juin, pour le bonheur des abeilles. Mais il n’est pas rare de voir quelques fleurs tard dans l’automne.

Si Pline vante les mérites des rameaux d’ajonc fleuri, dont les orpailleurs se servaient pour retenir les paillettes du métal précieux, on s’en servait aussi pour teindre les tissus en jaune. Les rameaux secs étaient jadis employés comme combustible dans les fours et la cendre servait aux lavandières. Les jeunes pousses broyées constituent un bon fourrage malgré le danger potentiel des graines, contenant des alcaloïdes toxiques à l’origine des troubles nerveux et cardiaques.

La capacité de l’ajonc de fixer l’azote de l’air dans les nodosités de ses racines est mise à profit pour reboiser des terres jusque-là peu propices à l’implantation des pins maritimes ou de sapins de Douglas.